La transdisciplinarité : l'unité retrouvée de la connaissance, avec Basarab Nicolescu et Michel Cazenave

Lorsque l’on s'intéresse aux systèmes de représentation collectifs qui eurent cours avant l'apparition de la science moderne, on constate souvent à quel point les principes qui fondent la religion, l'art, la morale, la médecine, se rapportent les uns aux autres pour former une unité de la culture assurant la cohérence des différents domaines de l'expérience et de la connaissance. Or, il est généralement admis qu'en Occident le XVIIe siècle introduit une scission entre, d'une part, ce qui assurait jusqu'alors l'unité de la culture – la religion, la métaphysique – et, d'autre part, la science moderne qui, pour se constituer, évacue de son champ d'études tout ce qui n'est pas rationalisable, et se donne une méthode prétendant bannir l'influence de l'imagination, considérée comme source d'erreur. Si la seconde moitié du XIXe siècle voit l'apogée du scientisme – auquel aboutit cette fracture –, il est tout à fait surprenant de constater que cette conception, qui fait du mesurable la seule source légitime de connaissance, a largement survécu jusqu'à nos jours, en dépit des découvertes de la physique quantique qui, dès le début du XXe siècle, en remettaient radicalement en cause les prémisses. Ce n'est donc certainement pas un hasard si c'est un physicien qui nous propose de surmonter la schizophrénie caractérisant notre culture depuis plus de trois siècles : avec la transdisciplinarité, c'est à un véritable changement de paradigme culturel que nous convie Basarab Nicolescu, paradigme apte à répondre à l'urgence de refonder une unité de la connaissance.

Émission enregistrée le 14 octobre 2013.

Basarab Nicolescu est physicien théoricien, membre de l'académie roumaine, il enseigne à l'université de Cluj en Transylvanie. Il a fait la plus grande partie de sa carrière au CNRS, au Laboratoire de physique nucléaire et des hautes énergies de l'université Paris VI ; on lui doit à ce titre plus de 130 articles concernant la physique des particules, tous publiés dans des revues spécialisées. Parmi ses ouvrages destinés à un large public, citons Nous, la particule et le monde, L'homme et le sens de l'univers - Essai sur Jakob Boehme, Qu'est-ce que la réalité ? et Théorèmes poétiques.

Ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, Michel Cazenave a organisé en 1979 pour France Culture le colloque de Cordoue "Science et conscience, les deux lectures de l'univers", ainsi qu'en 1984 celui de Tsukuba "Science et symboles – Les voies de la connaissance". Il est l'auteur de recueils de poésie, de romans et d'essais touchant entre autres à la psychanalyse, à l'histoire des religions et aux rapports entre science et symboles. Parmi ces derniers : La Science et l'âme du monde et La science et les figures de l'âme.